Gouvernance et compétitivité

Qu’est-ce que la cogestion ?

12 oct 2012

La cogestion est un témoin et un révélateur des structures du capitalisme allemand et propose un modèle à la fois alternatif et complémentaire du syndicalisme.


La cogestion est un principe de la démocratie allemande qui va à l’encontre du paradigme capitaliste selon lequel seuls les propriétaires du capital peuvent légitimement prendre des décisions pour l’entreprise qu’ils possèdent. Après la seconde guerre mondiale, dans le contexte géopolitique de la guerre Froide, toute une série de lois met en place la cogestion en Allemagne. Initialement, c'est le principe selon lequel tous ceux qui sont concernés par une décision doivent pouvoir y prendre part. On le retrouve dans différents domaines et niveaux de décision.

Au sein des entreprises, celui-ci se décline en deux types distincts de cogestion : la cogestion d’établissement (au niveau de chaque unité de production) et la cogestion d’entreprise qui met  à égalité les représentants des salariés et les représentants des actionnaires au conseil de surveillance de l’entreprise, en donnant toutefois l’avantage aux représentants des actionnaires en cas de blocage. Si les débats sont vifs autour de la parité au sein des conseils de surveillance, il ne faut  pas perdre de vue que c’est la cogestion d’établissement qui a fait le succès de ce mode de gouvernance. La première offre une grande place aux syndicats dans la gestion des questions sociales ; elle fait consensus, à la différence de la cogestion d’entreprise, accusée, entre autres, de leur donner un trop grand pouvoir.

La cogestion peut également être conçue comme vecteur de performance pour l’entreprise. Cette troisième conception est principalement apparue à partir des années 1990 et répond à la pression de plus en plus forte sur la performance financière des entreprises. Elle permet une meilleure communication de bas en haut, apporte de la stabilité dans un monde changeant rapidement ou apporter de la crédibilité éthique face aux critiques de l’entreprise.  La dernière conception de la cogestion est celle de ses adversaires les plus radicaux, principalement les libéraux et une partie du patronat. Dans cette conception, en utilisant des arguments politiques ou moraux, les salariés cherchent à obtenir du pouvoir en plus de celui qu’ils possèdent déjà grâce aux syndicats.

La cogestion est dangereuse pour l’entreprise pour plusieurs raisons : elle remet en cause la propriété du capital qui est pourtant un principe de la loi fondamentale allemande, elle brouille les objectifs de l’entreprise qui doivent normalement être la poursuite du profit dans le respect de la loi et elle pousse à prendre des décisions irrationnelles puisque les salariés ne sont pas responsables du capital. Cette conception rejette la cogestion en bloc, qu’il s’agisse de cogestion d’établissement ou de cogestion d’entreprise.

Ces débats autour de la cogestion allemande reflètent donc les tensions idéologiques et politiques au coeur des différentes conceptions de l’entreprise et mettent en lumière les intérêts économiques sous-jacents des nombreuses parties prenantes à l’entreprise. La cogestion est un témoin et un révélateur des structures du capitalisme allemand et propose un modèle à la fois alternatif et complémentaire du syndicalisme.

 

 

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