Responsabilité et expression

Devoir de vigilance : les entreprises encore frileuses

05 mar 2019

L'application de la loi sur le devoir de vigilance reste à ce jour largement insuffisante dans de nombreuses entreprises. 


par Laurent Mahieu, Secrétaire général de la CFDT Cadres

"Les premiers plans de vigilance que devaient présenter les entreprises en 2018 sont souvent incomplets et parfois même inexistants", déplorent dans un communiqué commun publié le jeudi 21 février 2019 Action Aid, Les Amis de la Terre, Amnesty International, CCFD-Terre Solidaire, le Collectif Ethique sur l'étiquette et Sherpa.

"Il est urgent que les entreprises se conforment à cette obligation, mais aussi que les autorités françaises rendent cette loi encore plus ambitieuse, à la hauteur des enjeux actuels." Les plans de vigilance établis par les entreprises afin de mieux prévenir les atteintes aux droits de l'homme sont "largement insuffisants", estiment des ONG qui ont réalisé un bilan de la première année d'application de la loi dite du "Rana Plaza".


Sur les 80 plans de vigilance analysés par [les] associations, la plupart ne répondent que très partiellement aux exigences de la loi, notamment en termes d’identification des risques de violations, de leur localisation et des mesures mises en œuvre pour les prévenir." 

Étude devoir de vigilancePromulguée en 2017, cette loi oblige les entreprises de plus de 5.000 salariés en France à établir un plan de vigilance chez leurs sous-traitants ou fournisseurs à l'étranger, qui répertorie les risques liés aux droits fondamentaux.

L'objectif est d'éviter des drames comme l'effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en avril 2013, un immeuble abritant des ateliers de confection pour de grandes marques occidentales. Cet accident avait tué plus d'un millier d'ouvriers et blessé plus de 2.000 autres.

"En 2017, la France devient le premier pays à adopter une législation contraignante sur le respect des droits humains et de l’environnement par les multinationales. Celles-ci ont désormais l’obligation légale d’identifier et de prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement qui résultent non seulement de leurs propres activités, mais aussi de celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs avec lesquels ces multinationales entretiennent une relation commerciale établie, en France et dans le monde." 

Pour accompagner les équipes syndicales et les cadres face à cette responsabilisation et cette obligation bien en phase avec notre revendication d’un management responsable, la CFDT Cadres a publié un argumentaire présentant à la fois le devoir de vigilance et le droit d’alerte, deux leviers complémentaires.

Face à ces constats, les ONG demandent aux pouvoirs publics "d'assurer un réel suivi de l'application de la loi et de la renforcer afin que davantage d'entreprises soient visées ".

► "Par ailleurs, cette loi française étant devenue une référence internationale, il est également indispensable que la France œuvre à l’adoption en Europe et dans le monde de normes contraignantes pour toutes les multinationales, permettant enfin un accès efficace des victimes à la justice. Nous demandons à la France de soutenir activement l’internationalisation du devoir de vigilance en contribuant de manière ambitieuse à l’élaboration du traité sur les multinationales et les droits humains actuellement négocié aux Nations unies, et en exigeant de l’Union européenne un soutien ferme à ce processus."


Lors de son dernier congrès, en 2018, la CFDT a adopté une résolution sur le sujet (art. 1.3.3.3 et 1.3.3.4) : "La CFDT revendique que (la politique RSE/RSO) soit l’objet d’une négociation dans les administrations et les entreprises [..] Elle veillera à la mise en œuvre des plans de prévention, dits « plan de vigilance » [..] afin de prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement [..] Cette vigilance concerne Cette vigilance concerne, entre autres, le travail des enfants, l’exploitation des travailleurs sous toutes ses formes, la sécurité et la mise en place d’un système d’alerte."

 

+ d'infos

"Loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre :
[Année 1] les entreprises doivent mieux faire"

Communiqué de presse du 21 février 2019 (amnesty.fr)

Résolution générale de la CFDT (49e congrès de Rennes, 2018)

Droit d'alerte : les cadres en première ligne (Argumentaire)

 

Illustration : Wingz