IA au travail : La société civile européenne a présenté ses recommandations

Franca Salis-Madinier, vice-présidente du groupe des travailleurs au Comité Économique et Social Européen (CESE) et membre de la CFDT Cadres, a été auditionnée ce jeudi 5 juin par la Commission de l'emploi du Parlement européen.
Intervention de Franca Salis-Madinier dans le cadre d’un rapport du Parlement européen sur la numérisation, l’intelligence artificielle et la gestion algorithmique au travail :
« La méthode utilisée pour l’avis du Comité économique et social européen a été celle de la prospective. L’IA est un sujet (s'il en est un !) qui nécessite cette approche. Ce travail a impliqué plus de 30 experts européens et internationaux de tous horizons et a pris 9 mois. Il a intégré la demande de la présidence polonaise du Conseil européen sur les impacts de l’IA sur le marché du travail et de l’emploi. À partir d’un scénario « idéal » qui préconisait un cadre réglementaire fort et un dialogue social de qualité associant les travailleurs au déploiement de l’IA, nous avons proposé des pistes. »
Nos constats
« La vitesse de l’évolution technologique ne s’accompagne pas d’une adaptation des droits au travail. Il y a des gaps législatifs.
Les algorithmes organisent le travail et prennent des décisions managériales sans intervention humaine, bien au-delà du monde des plateformes numériques. Ces pratiques s'étendent aux entreprises traditionnelles et sont utilisées pour recruter, licencier, ou prendre la mesure de la performance des travailleurs, tout cela sans intervention, ni explication humaine.
L’avis affirme qu'il n’est pas trop tard pour agir et que nous pouvons encore influencer ces évolutions car les effets sur les emplois et la qualité du travail ne sont pas prédéterminés. Ceux-ci dépendent d’un dialogue social de qualité, d’une co-construction avec les travailleurs lors du déploiement de ces systèmes, des politiques publiques, des cadres réglementaires clairs et de la finalité de l’adoption des IA : complémentarité ou remplacement humain ?
Une IA déployée dans un cadre collectif et réglementaire clair offre d’immenses opportunités : innovation, compétitivité, productivité, inclusion, réduction des biais, amélioration et prévention de la santé au travail. Mais sans un cadre collectif et légal, elle comporte la perte du contrôle humain sur les décisions, la perte d’autonomie avec une dépendance accrue de l’humain vis-à-vis de la machine, un contrôle illimité et intrusif , une intensification du travail et une perte du contrôle des travailleurs sur les données personnelles et collectives. »
Nos principales recommandations :
1 - Mettre en place un instrument législatif spécifique pour l’IA qui rende positifs et harmonisés les droits en vigueur dans l’UE et évite la fragmentation dans les Etats membres. Cette fragmentation n’est propice ni aux entreprises qui opèrent dans différents pays de l’UE, ni aux travailleurs soumis à des traitements différents. Cet instrument doit contribuer à renforcer le droit à la transparence et au contrôle des données personnelles et collectives, ainsi qu’au contrôle humain dans les décisions RH déterminantes dans la vie d’un travailleur. Le rôle du délégué syndical et du CSE seront renforcé par un tel instrument tout comme la démarche de co-construction avec les travailleurs des choix et usages de l’IA.
2 - Étendre à tous les travailleurs les dispositions du chapitre III de la directive plateforme (transparence, information droit au recours à l’humain en cas de décisions qui affectent la vie humaine).
3 - AI Act
- Les fournisseurs des systèmes à haut risque doivent fournir aux représentants des travailleurs, ex ante les évaluations d’impacts sur les droits fondamentaux.
- Les droits d’auteurs et de propriété intellectuelle bafoués par les modelés de fondation, doivent faire l’objet des justes rémunérations.
4 - Le RGPD doit donner des orientations explicites qui permettent d’adapter au monde du travail à la notion du consentement libre et à celle d’intérêt légitime.
5 - Les directives information-consultation et santé-sécurité doivent donner des orientations spécifiques mieux adaptées à l’IA.
6 - L’accélération des formations à l’IA pour tous les travailleurs doit être d’ores et déjà la priorité des états membres. »
+ d'infos
Communiqué de presse CFDT Cadres du 2 juin 2025
Présentation de l'audition : Artificial intelligence at the workplace (europarl.europa.eu)
Programme de l'audition : Hearing on “Artificial intelligence at the workplace” (europarl.europa.eu)
Illustration : Parlement européen - CFDT Cadres