Vie syndicale

Les salariés des TPE renverseront-ils la tendance dans quatre mois ?

14 déc 2020

Les effets structurels expliquant la faible participation des salariés au scrutin TPE ne sont pas une fatalité  ; nous, adhérents CFDT, devons promouvoir les élections TPE 2021 pour changer la donne.


par Laurent Mahieu, secrétaire général CFDT Cadres

 

Les logiques plurielles d’une très faible participation : retour sur les scrutins auprès des salariés des très petites entreprises"Les logiques plurielles d’une très faible participation : retour sur les scrutins auprès des salariés des très petites entreprises" : Tel est le titre d’un article rédigé par Tristan Haute (docteur en sciences politiques) et publié par la revue de l’IRES qui commence comme suit : « En France, deux scrutins ont été organisés en 2012 et en 2017 auprès des salariés des très petites entreprises (TPE, moins de 11 salariés) pour compléter la mesure de la représentativité syndicale dans le secteur privé. Or, ces votes sur sigles, sans élu, par Internet ou par correspondance n’ont absolument pas mobilisé les salariés (10,4 % de participation en 2012 et 7,3 % en 2017) ».

Les prochaines élections nationales se dérouleront dans quatre mois (du 22 mars au 4 avril 2021) après avoir été reportées à deux reprises sous l’effet de la crise sanitaire.

Ce travail de thèse décortique bien la situation et les enjeux et « propose différentes pistes explicatives complémentaires de la très faible participation électorale enregistrée. Celle-ci s’explique moins par les opinions des salariés que par des facteurs structurels, à savoir les spécificités de ce scrutin sans enjeu, les caractéristiques sociales et économiques des salariés des TPE et la faiblesse des implantations et des contacts syndicaux dans les TPE. Certaines branches d’activité où les enjeux du vote sont un peu plus saillants et où des syndicats corporatifs développent des activités de service, comme la branche des assistantes maternelles, sont d’ailleurs marquées par une mobilisation électorale significativement plus importante. »

Le scrutin concerne un salarié du privé sur quatre et, parmi eux, un cadre du privé sur neuf. Si le poids de voix issues du scrutin TPE est marginal au niveau interprofessionnel, cela n’est pas le cas dans des branches où les salariés des TPE sont largement majoritaires. Dans ces branches, les résultats des scrutins TPE déterminent la représentativité et ses impacts (capacité à négocier et poids de la signature ou non).


Une [..] différence fondamentale entre les salariés des TPE et le reste des salariés doit être abordée : les salariés des TPE sont en effet plus atomisés et moins confrontés à l’action syndicale que les autres salariés. "


Ainsi : « Les salariés des TPE sont cependant majoritaires, voire hégémoniques, au sein d’un grand nombre de branches professionnelles dont certaines regroupent des effectifs importants. C’est par exemple le cas de la convention collective des salariés du « particulier employeur » (667 426 salariés inscrits en 2017), de la convention collective des assistantes maternelles du « particulier employeur » (286 326 salariés inscrits en 2017) ou d’un certain nombre de branches du commerce et des services (boulangerie, pharmacie, coiffure, immobilier, cabinets médicaux…) ».

Selon l’auteur, « la faible mobilisation électorale est également le résultat d’une distance, plus pratique qu’idéologique, entre les salariés des TPE et les organisations syndicales : ce sont d’ailleurs les salariés directement en contact avec le syndicalisme, notamment au sein de groupes professionnels fortement structurés par des syndicats corporatifs et de service, qui sont les plus participants électoralement. »

L’analyse de la composition sociale des branches permet à l’auteur de tirer quelques enseignements : les salariés en CDI votent davantage que ceux en CDD ; les femmes davantage que les hommes et la participation croît avec l’âge.

 

Le salariat des TPE se distingue de celui des plus grandes par quelques caractéristiques : 

« Tout d’abord, les TPE recourent, plus fréquemment que d’autres entreprises, au temps partiel et aux CDD. ... En outre, le salaire mensuel net des salariés des TPE (1 810 euros en 2012) est nettement inférieur au salaire net moyen de l’ensemble du salariat du secteur privé (2 170 euros en 2012). Enfin, toujours en 2012, la part des salariés rémunérés à moins de 1,05 Smic atteint 12,7 % dans les TPE contre 7,1 % dans l’ensemble du secteur privé.

Dès lors, [..] la très faible participation des salariés des TPE pourrait être en partie la conséquence d’un effet structurel, à savoir des conditions d’emploi particulièrement précaires et une faible rémunération et une moindre intégration professionnelle par rapport aux salariés des autres entreprises. Cependant, ces spécificités salariales ne peuvent, à elles seules, expliquer la faible participation des salariés des TPE. Une autre différence fondamentale entre les salariés des TPE et le reste des salariés doit être abordée : les salariés des TPE sont en effet plus atomisés et moins confrontés à l’action syndicale que les autres salariés. »


Dans sa conclusion, l’auteur évoque indique que des évolutions importantes dans le scrutin 2021 sont envisagées : « [..] il est à noter que, pour être candidates, les organisations syndicales devront déposer des listes paritaires de candidats salariés des TPE (10 par région), ces salariés étant amenés à siéger dans les CPRI. Cette nouvelle nécessité pourrait certes diminuer l’offre syndicale, mais elle contraint les organisations syndicales à recruter des adhérents et à former des militants issus des TPE. De même, le vote, qui se déroulait jusqu’ici par correspondance ou en ligne, pourrait se dérouler exclusivement par Internet, ce qui risque d’engendrer une nouvelle baisse de la participation. Il sera dès lors intéressant de comparer la participation des salariés à ce nouveau scrutin avec les résultats des analyses présentées dans cet article afin d’estimer, dans le champ professionnel, l’impact de ces deux évolutions électorales ».

Signalons que l’auteur évoque sur la base d’entretiens réalisés le fait que « la connaissance de militants en dehors des cadres professionnels ou syndicaux peut aussi, en soi, permettre la participation de salariés peu politisés et mobilisés » et aussi que « Les rares contacts directs avec le syndicalisme, s’ils peuvent être insuffisants, constituent d’ailleurs les stimuli électoraux les plus efficaces. »

Encouragés par ces dernières remarques, les adhérents CFDT peuvent tout à fait avoir un rôle essentiel pour promouvoir ces élections auprès de leurs relations, de leurs proches dans les quatre mois qui viennent, et bien sûr recommander le vote CFDT !

 

+ d'infos

Cfdt.fr : Rubrique "Petites entreprises"

Les logiques plurielles d’une très faible participation : retour sur les scrutins auprès des salariés des très petites entreprises (ires.fr)

Cadres des TPE ? Une réalité massive, des mondes éclatés, des repères transverses dans la crise