Emploi et compétences

Assurance-Chômage : cessons de « charger la barque » Cadres

12 juil 2019

La dégressivité et le différé d'indemnisation de la réforme de l'assurance-chômage sont loin de faire l'unanimité chez les cadres.


Assurance-Chômage : cessons de « charger la barque » Cadres

Dans le cadre de la réforme de l'assurance-chômage qui a été dévoilée le 18 juin 2019, le gouvernement a présenté ses mesures concernant l'indemnisation des cadres. L’argument avancé par le ministère du Travail  est qu’il est nécessaire de "mieux tenir compte de la capacité objective des uns et des autres à retrouver un emploi."1

Mais pour quel résultat ? Car les économies réalisées ne seront pas conséquentes quand on sait que parmi les quelque 2,7 millions d'allocataires indemnisés fin 2017, seuls 5,2 % percevaient, avant leur inscription à Pôle emploi, un salaire net mensuel supérieur à 3 000 euros. Par ailleurs, les salariés qui gagnent correctement leur vie (au moins le plafond de la sécurité sociale, soit 3 377 euros brut mensuels) cotisent bien davantage à l'assurance-chômage qu'ils n'en bénéficient : ils pèsent pour 45 % dans les recettes et pour 21 % dans les dépenses.

Cette mesure vient toucher les cadres pourtant déjà soumis à des contraintes dans le paiement de leurs droits :

  • Par rapport aux autres salariés et parce qu’ils perçoivent des revenus plus élevés, les cadres sont déjà soumis le plus souvent au différé d’indemnisation spécifique2  pouvant aller jusqu’à 150 jours, soit 5 mois de différé.
  • Le plafond de l’ARE est aujourd’hui de 248,19 € brut par jour, ce qui représente un salaire brut mensuel de 13 000€.

Cette carence d’indemnisation (au début de la période de chômage) tout comme la réforme de dégressivité ne font pas état de la disparité très grande au sein de la population cadres en termes de rémunération. Dans un cas comme dans l’autre - si l'on veut accroître le coté symbolique de la réforme -, pourquoi ne pas prévoir, par exemple, différents paliers ?


[LA] carence d’indemnisation (au début de la période de chômage) tout comme la réforme de dégressivité ne font pas état de la disparité très grande au sein de la population cadres en termes de rémunération"


Au-delà de la guerre des chiffres, il convient aussi de se pencher sur l’impact psychologique de telles mesures : le différé d’indemnisation est très mal vécu par les cadres.

  • S’il peut nous paraître légitime (c’est l’entreprise qui prend à sa charge les premiers mois de recherche d’emploi d’un cadre dont elle s’est séparée et qui a peu de chance de rester longtemps au chômage), celui-ci n’est pas perçu de la sorte par les personnes concernées : ce qu’elles touchent dans l’entreprise vient réparer le préjudice subi quand l’ARE vient les aider en période de recherche.
  • Bien souvent, le salarié n’a rien négocié mais a bénéficié d’une grande ancienneté et d’une convention collective avantageuse : la légitimité de ce différé est encore plus difficile à accepter. S’il est en plus senior, nous savons que la recherche d’un nouvel emploi sera plus difficile et l’accompagnement ici n’est pas optimal.
  • De plus, l’absence de palier vient bénéficier aux très hauts revenus qui ne sont finalement pas plus pénalisés que les autres dans le cadre du différé d’indemnisation (différé spécifique, voir unedic.fr).

Quant à la dégressivité3 , elle est tout bonnement inacceptable en termes d’accompagnement. Si la plupart des cadres bénéficient peu du chômage du fait d’un marché dynamique, certains restent plus longtemps en période de recherche. Ces situations plus difficiles méritent donc un accompagnement plus important; et on voudrait, au contraire, les sanctionner sur la durée... Pourquoi ne pas imaginer une mesure inverse où les allocations augmenteraient, au contraire, au fil du temps ? Le cadre toucherait moins les premiers mois (mieux que rien - dans la plupart des cas - à cause du différé) et verrait son allocation augmentée en cas de difficulté à retrouver un emploi. 


Le taux de chômage des cadres est de 3,3 %...

2 Il s'agit d'un délai d'attente supplémentaire s'ajoutant au délai de carence de 7 jours et au différé d'indemnisation "congés payés". Il sera appliqué si, lors de la rupture du contrat de travail, le salarié perçoit une indemnité supra-légale.

3 Les salariés qui avaient un revenu du travail supérieur à 4.500 euros bruts par mois verront à partir du 1er novembre leur indemnisation réduite, au début du septième mois d'indemnisation, de 30 %, avec un plancher fixé à 2.261 euros. Tous les salariés âgés d'au moins 57 ans ne seront pas concernés par la mesure.

 

 

+ d'infos

Différé spécifique (indemnités supra-légales | unedic.fr) 

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