La sécurisation locative comme levier de RSE
Soutenabilité sociale et environnementale : les partenaires sociaux complètent la garantie Visale au travers l’expérimentation d’un nouveau service appelé « Louer pour l’emploi ».
La sécurisation locative comme levier de RSE
par Jean-Jacques Perot, Président de l’APAGL-AL (CFDT IDF) et Sophie Gaudeul, Directrice Produits Etudes à l’APAGL-AL
L’accès au logement abordable est reconnu comme un besoin fondamental et une dimension centrale du bien-être humain. Au sein de l’Agenda 2030, l’Objectif de Développement Durable 11.1 cible l’accès au logement décent. Or, dans de nombreux pays l’accès au logement devient de plus en plus difficile. Les dépenses de logement absorbent en effet une part croissante des revenus des ménages par rapport à d’autres postes de dépenses comme la santé, l’éducation ou le transport1. De 2005 à 2015, le poids du logement dans les dépenses des ménages de l’OCDE a connu une hausse de près de 20% dans les pays de l’OCDE. Ainsi en 2015, les ménages à revenu intermédiaire y consacraient 31,6% de leurs dépenses, contre 25,4% dix ans plus tôt2. Cette surchauffe immobilière est aussi constatée post-crise sanitaire dans plusieurs pays hors OCDE jusqu’à engendrer des tensions sociales au sein des classes moyennes dans certains pays3.
Face à ces enjeux de soutenabilité sociale, l’OCDE a souligné l’importance de faciliter la mobilité résidentielle pour affronter la période post-crise sanitaire pour réduire l’exposition des ménages à une dégradation de leurs conditions de vie et de logement (qualité moindre, taille réduite, surpeuplement, éloignement des lieux de travail). En France, l’élargissement de l’accès au financement du logement via un relâchement des conditions de prêts a entrainé, certes des opportunités d’accès pour des ménages ayant un revenu situé dans les premiers déciles, mais n’est pas sans comporter comme on l’a vu des risques pour la performance économique à long terme et la stabilité macroéconomique qui ont été identifiés dès 20184. Pour éviter l’accumulation des vulnérabilités, l’OCDE, invite dans la période post crise sanitaire, à la mise en place de mesures d’accompagnement des locataires ayant accumulés des arriérés de loyers, dans une perspective de soutien aux ménages modestes. Or ce besoin de soutien se trouve encore accentué dans le contexte du renforcement de la lutte contre le réchauffement climatique qui s’opère.
la moitié des logements du parc privé sont considérés comme des logements énergivores. Avec le nouveau DPE, [..] La rénovation énergétique du parc de logements privé devrait donc être massifiée avant 2025."
Les enjeux de soutenabilité environnementale ont été placés au cœur de la loi Climat/Résilience du 22 août 2021 qui abrite des articles relatifs à la rénovation énergétique aux répercussions probablement très impactantes sur le parc locatif privé à très court terme. Cette loi introduit en effet une définition de la décence des logements articulée au niveau de performance énergétique des logements, dans la perspective d’éradiquer les « passoires thermiques ». Elle prévoit ainsi l’interdiction progressive de la mise en location des logements aux étiquettes énergétiques les moins performantes (art. 155 et 160) selon un calendrier aux échéances rapprochées.
En Métropole :
- À compter du 1er janvier 2025, les logements en classe G ne pourront plus être loués,
- À compter du 1er janvier 2028, les logements classés F seront interdits à la location en plus des G,
- À compter du 1er janvier 2034, les logements classés E seront interdits à la location en plus des F et G.
Ce sont 3,1 millions de logements, soit, près de la moitié des logements du parc privé qui sont considérés comme des logements énergivores. Les locataires de ce parc constituent 45 % des ménages qui vivent dans des logements énergivores. Avec le nouveau Diagnostic de Performance Energétique (DPE5) , le parc de logements en étiquette G a doublé. La rénovation énergétique du parc de logements privé devrait donc être massifiée avant 2025, à condition de pouvoir être financée. Pour les propriétaires bailleurs, l’enjeu devient autant celui du maintien de l’offre locative au bon dimensionnement par rapport à la demande, que celui des possibilités de revalorisation des loyers (art. 159) proscrites à compter du 22 août 2022 pour les logements aux étiquettes F et G6. Enfin, en 2028, les propriétaires de logements dits indécents s’exposeront à des sanctions qui devraient être définies en 20237.
[..] De nombreux bailleurs pourraient être amenés à retirer leurs biens du marché locatif privé avec potentiellement des répercussions majeures sur le lien emploi-logement."
Aussi, Il est donc probable que de nombreux bailleurs risquent d’être en difficulté pour financer la rénovation énergétique de leurs logements en location et pourraient donc être incités à vendre leur bien ou à le laisser vacant et ce, d’autant que la durée nécessaire pour rentabiliser la rénovation est estimée entre 20 ans et 30 ans (pour atteindre l’étiquette C) par deux notes récentes de France Stratégie8. En cas de difficulté financière pour les bailleurs, certains logements vendus ne reviendront sans doute pas dans l’offre locative privée qui risque donc de rétrécir, tandis que le secteur locatif privé joue, comme on l’a vu précédemment, un rôle essentiel pour favoriser les mobilités résidentielles et le rapprochement entre le lieu de vie et le lieu d’emploi, tout particulièrement dans les premières années de la vie professionnelle9.
Face à ces enjeux de soutenabilité sociale et environnementale, les partenaires sociaux ont choisi de renforcer la sécurisation apportée aux bailleurs par la garantie Visale, en la complétant au travers l’expérimentation d’un nouveau service appelé « Louer pour l’emploi » qui vise à renforcer la sécurisation locative offerte par Visale en proposant à des bailleurs acceptant la garantie Visale de s’engager 36 mois supplémentaires en contrepartie d’une aide à la rénovation énergétique, cumulable avec d’autres dispositifs d’aides existants (Ma prime Renov, Anah…). Il s’agit de maximiser les avantages de la Garantie Visale avec des prises en charges augmentées. Avec LPE, la rénovation énergétique du logement est financée au travers une aide d’Action Logement qui peut aller jusqu’à 15.000 € de subvention de rénovation énergétique incluant la prestation à un Assistant à Maîtrise d’Ouvrage. Les bailleurs se voient aussi proposer un prêt complémentaire jusqu’à 30.000 € à un taux attractif à 1% leur permettant de financer tous types de travaux d’amélioration (ex : changement de fenêtres, …).
Sur le terrain, LPE permet de remettre en location des logements qui ne pouvaient plus se louer par vétusté. Visale et LPE constituent autant des leviers RH que des leviers stratégiques de RSE, en permettant le maintien de l’offre locative essentielle à double sécurisation professionnelle et résidentielle par le biais d’une solvabilisation cruciale de la rénovation énergétique des logements locatifs. Cette offre de sécurisation et de maintien dans le parc locatif privé s’adresse aux salariés qu’ils soient des locataires ou bien qu’ils soient des bailleurs à la recherche de sécurisation de revenus locatifs. LPE offre aux bailleurs la sérénité d’une garantie complète couvrant aussi la vacance du logement en cas de départ d’un locataire, en contrepartie de l’acceptation par le bailleur de louer à un loyer abordable, également en faveur des salariés entrant dans l’emploi ou en mobilité ou des jeunes de moins de 30 ans.
Pour les entreprises, faciliter l’accès au logement des collaborateurs par l’information et la mobilisation des dispositifs d’aide au logement déborde la question d’une simple performance sociale ou environnementale et constitue comme on le voit un enjeu de performance globale au sein d’une société, où de nombreux bailleurs pourraient être amenés à retirer leurs biens du marché locatif privé avec potentiellement des répercussions majeures sur le lien emploi-logement. Le resserrement de ce lien constitue en outre un facteur de développement de l’attractivité économique et de l’équilibre social des territoires. Enjeu social, sociétal et environnemental, le logement invite ainsi le management à son intégration plus stratégique au sein des politiques RSE et RH de l’entreprise. Les cadres se retrouvent aujourd’hui challengés par ces questions et solutions à plusieurs titres : d’une part, à titre personnel en tant que locataires ou même en qualité de bailleur ; d’autre part, en tant que managers appelés à intégrer la question de la sécurisation des parcours résidentiels dans la stratégie de l’entreprise, au regard tant de sa responsabilité sociale/sociétale, que du point de vue de sa politique de gestion des ressources humaines de façon à ce que la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Parcours Professionnels ne butte pas sur les difficultés accrues à se loger auxquelles un nombre croissant de leurs salariés se trouve confronté.
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Pierre par pierre : bâtir de meilleures politiques du logement, OCDE, 2021.
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Ibid, 2021.
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« Logement, la loi du plus riche », Courrier International, 10 Nov. 2021. Pays concernés : Canada, Irlande, Australie, Turquie, Corée du Sud…
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Rapport annuel de la Banque de France de 2018.
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Cf. Arrêté du 31 mars 2021.
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La France comptait 8,5 millions de logements F et G selon l’enquête PHEBUS de 2012 (soit 31% des résidences principales), mais le nouveau DPE est venu dévaloriser certaines étiquettes énergétiques.
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Cette interdiction de revalorisation existait déjà pour les logements classés F et G, mais seulement en zones tendues. À compter du 25 août 2022, l’écoconditionnalité s’appliquera sur tout le territoire. Et, dès 2023, les logements aux étiquettes G au DPE seront obligatoirement qualifiés d’indécents sur les annonces immobilières.
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« Comment accélérer la rénovation énergétique des logements, France Stratégie, Note d’Analyse, n°95, Oct. 2020. « Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? », Note d’Analyse, N° 104, Déc. 2021. Selon ces notes, entre un tiers et la moitié du gisement d’économies d’énergie rentable se situerait dans le parc locatif privé, une conclusion partagée par des spécialistes du CIRED. Cf. Louis-Gaëtan Giraudet, Cyril Bourgeois, Philippe Quirion, David Glotin Evaluation prospective des politiques de réduction de la demande d’énergie pour le chauffage résidentiel, CIRED, 21 décembre 2018.
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Selon France Stratégie, tous ces paramètres peuvent conduire à questionner le rôle clé que peut jouer le tiers financement pour solvabiliser la demande de travaux de rénovation énergétique. Le tiers-financement permet à un propriétaire de réaliser une rénovation énergétique grâce au financement par un tiers. Ibid. Oct. 2020.
+ d'infos
Visale : la garantie RH pour resserrer le lien emploi-logement
La sécurisation des parcours résidentiels, un enjeu clé pour le management
Dispositif "Louer Pour l'Emploi" (louerpourlemploi.actionlogement.fr)
Comment accélérer la rénovation énergétique des logements (strategie.gouv.fr)
Quelle rentabilité économique pour les rénovations énergétiques des logements ? (strategie.gouv.fr)