Responsabilité et expression

La protection du lanceur d’alerte, enfin une réalité législative !

30 jan 2018

Le combat pluri décennal de la CFDT cadres trouve une concrétisation à travers deux dispositifs législatifs en 2018.

Pour la CFDT Cadres, c’est un progrès pour la liberté d’expression et l’exercice de responsabilité professionnelle des cadres dans les organisations.
 

La Loi Sapin II du 9 décembre 2016 renforce la protection des lanceurs d’alertes par l’obligation pour les entreprises et les administrations de mettre en place un dispositif de recueil des signalements de l’alerte au 1er janvier 2018.

La Loi Devoir de vigilance du 27 mars 2017 oblige les multinationales à mettre en place un plan de vigilance visant à prévenir les risques d’atteinte aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Ce plan prévoit, entre autres, une concertation avec les organisations syndicales représentatives pour mettre en place un dispositif de signalement des alertes.

Dans cet article, ce sont notamment les effets de la Loi Sapin qui sont détaillés.
 

Ce que prévoit la loi  Sapin II : 

L’article 6 de la loi Sapin II définit précisément le lanceur d’alerte, élargissant la protection juridique aux individus impliqués dans la révélation ou le signalement d’ « une menace ou un préjudice grave » et non plus seulement de faits illégaux ou délictueux.

Le lanceur d’alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

La loi Sapin II instaure également ce droit d’alerte pour les agents publics, En complément de la réforme du statut de la fonction publique (loi du 20 avril 2016), créant un droit au conseil déontologique et l’obligation de référents déontologues,
 

Comment être protégé en tant que lanceur d’alerte ?

Pour être protégé, contre les représailles, contre les responsabilités pénales, tout en gardant la stricte confidentialité dans le traitement de l’alerte, un lanceur d’alerte doit respecter trois conditions préalables :

• Agir de manière désintéressée (par opposition à l’informateur rémunéré, mais aussi à la vengeance ou l’attente d’un profit personnel).

• Être de bonne foi (avoir la croyance raisonnable que les faits sont vrais au moment de l’alerte).

• Avoir eu personnellement connaissance des faits (être à la source de l’information).

► L’alerteur-e peut être un syndicaliste, qui est un salarié comme les autres.
 

Les entreprises et les administrations sont concernées

Le champs d’application de la loi Sapin concerne les entreprises de droit privé et établissements d'administration publique d’au moins 50 agents ou salariés, les administrations de l’Etat, les communes de plus de 10.000 habitants, les départements et les régions ainsi que les établissements publics en relevant et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, regroupant au moins une commune de plus de 10.000 habitants.
 

Que doivent faire les entreprises et les administrations concernées ?

Elles doivent mettre en place un système de signalement qui précise :

  • le référent auquel peut s’adresser le lanceur d’alerte,(le déontologue dans la Fonction publique),
  • le délai de réponse et du traitement de l’alerte,
  • les moyens et les outils à sa disposition.

Le dispositif et en particulier ces informations doivent être largement rendues publiques et connues par les agents et salariés, par le personnel externe ou temporaire (stagiaires, intérimaires, prestataires…).
 

Comment lancer une alerte ?

L’alerte lancée peut être interne ou externe à l’organisation où s’exerce le travail.

Sauf cas spécifiques (impossibilité manifeste d’agir autrement, - ex : implication de la hiérarchie dans le délit), l’alerte responsable doit être effectuée d’abord en interne, puis auprès des autorités judiciaires ou administratives, ou rendue publique en dernier ressort.

Pour pouvoir être entendue et traitée à temps, mais aussi en cas d’action en justice, l’alerte doit pouvoir être portée par écrit et attestée par des témoins.

Elle doit présenter une chronologie claire. En cas de représailles, il faut démontrer l’antériorité de l’alerte sur les représailles : licenciement, frein évolution professionnelle, etc...

► Si l’alerte n’a pas été traitée dans un délai de trois mois, elle peut être rendue publique auprès des médias, associations, (dont syndicats), ONG.

► L’alerte peut toujours être rendue immédiatement publique si la gravité et l’urgence de l’alerte le justifient.

Les organisations syndicales  peuvent intervenir désormais légitimement en matière de conseil et de protection des lanceurs d’alerte. Elles savent garder la confidentialité et il est toujours souhaitable de ne pas rester seul-e lorsqu'on lance une alerte

En externe, le lanceur d’alerte peut s’adresser au Défenseur des droits qui l’aidera à s’orienter pour adresser son alerte ou à défendre ses droits et se protéger d’éventuelles représailles.
 

Les contournements : Ordonnances Macron

Le second article de l’Ordonnance III réformant le Code du Travail (1) pourrait venir fissurer la nouvelle protection statutaire des lanceurs d’alerte.

De facto, pour éviter qu’un recours abusif au statut de lanceur d’alerte ne puisse permettre de contourner le plafonnement des indemnités, le gouvernement a limité ce déplafonnement aux seuls lanceurs d’alerte qui dénonceraient une infraction pénale, adoptant ainsi la définition plus restrictive « crime et délit »*.

► La CFDT plaide pour que cette notion restrictive du lanceur d’alerte soit remplacée par celle plus large, prévue dans la loi Sapin.

par Franca Salis-Madinier, Secrétaire nationale CFDT Cadres
 

*Les crimes et délits renvoient à : la violation d’une liberté fondamentale, le harcèlement moral ou sexuel, le licenciement consécutif à une action en justice du salarié (pour discrimination, égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dénonciation de crimes ou délits), ou encore le mandat de « salarié protégé ».

 

+ d'infos :

Guide Défenseurs des droits (Orientation et protection des lanceurs d'alerte)

Guide Transparency iIternational (Guide pratique à l'usage du lanceur d'alerte français)

Communiqué de presse CFDT Cadres (Novembre 2016)