Syndicalisme international

En proximité avec les Japonais

31 mar 2011

Un message du président de la Fédération japonaise de l'information et de la communication


Suite à notre message de solidarité, le témoignage du président de la Fédération japonaise de l'information et de la communication

Au nom de l'ICTJ, représentant 230.000 travailleurs dans le secteur des TIC, je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude pour votre message de solidarité. Bien au-delà de notre imagination, l'ensemble du pays est fortement choqué et traversé par une grande tristesse. Nous vous remercions pour votre sympathie et  gentillesse du fond de nos cœurs. La grande région de l'Est du Japon a subi des dommages dévastateurs le 11 mars dernier. Les personnes qui sont obligées de vivre dans des centres d'évacuation sont plus de 300 000, et parmi les victimes du tremblement de terre et du tsunami. Le nombre de morts est établi à 9 700, et plus de 16 500 personnes ont été portées disparues à la date du 24 mars. Les adhérents de notre syndicat ICTJ sont également touchés. Immédiatement après la catastrophe, nous avons suivi la sécurité des membres, familles et retraités. Certains sont toujours portés disparus. Afin de reconstruire un réseau de communication, les membres de l'ICTJ travaillent dur sur le terrain 24h sur 24 pour rétablir les réseaux, avec l'appui du gouvernement. Une quantité non négligeable de réseau a été rétablie à ce jour. Nous faisons tout notre possible, y compris l’attribution des lignes téléphoniques gratuites et la fourniture des services par satellite. Mais il est évident que des investissements à long terme seront nécessaires pour la reconstruction du réseau. Il nous faudra beaucoup de courage pour rétablir et reconstruire la zone dévastée. Nous allons être unis. Nous allons surmonter la douleur et nous battre pour l'avenir. Merci pour votre sollicitude et sympathie. En toute solidarité. Tomoyasu Kat, Président de l'ICTJ

Le travail au Japon

Le marché du travail du Japon, y compris son mouvement syndical – a toujours été présenté comme une exception. Entre les années 50 et 80, "l'emploi à vie", "les primes d'ancienneté" et les "syndicats d'entreprise" ont bâti les éléments clés du marché du travail japonais. Il eut été inimaginable il y a 40 ans de devenir un travailleur atypique avec un baccalauréat ou un diplôme universitaire. Il était entendu qu'à partir du moment où vous étiez salarié, vous resteriez dans la même entreprise pour le restant de votre carrière; le seul problème était de bien choisir l'entreprise.

Les travailleurs réguliers sont employés directement à plein temps sous contrats de durée indéterminée. Autrement dit, lorsqu’ils entrent dans une entreprise, ils auront un emploi à vie; ils ressentent un sentiment très fort d'appartenance à l'entreprise. Appelés "les guerriers d'entreprise", c'est la prospérité de leur entreprise qui donne un sens à leur vie. Lors de vastes compressions d'effectifs, il était normal que l'on apporte aux travailleurs lésés un soutien de grande ampleur à l'échelle nationale. Par exemple les travailleurs des mines de charbon retrouvaient souvent un emploi à la poste.

Côté syndicats, il existe deux méthodes d'adhésion : le monopole syndical d'emploi, qui affilie le travailleur automatiquement, et l'atelier ouvert, qui veut que les syndicalistes s'efforcent de recruter les non organisés l'un après l'autre. Les grandes entreprises privées ont signé des contrats de monopole syndical avec leurs syndicalistes. Ainsi, 60% des syndicats ont un monopole d'embauche. Il faut ajouter que les travailleurs atypiques ont toujours été considérés comme un appoint de main-d’œuvre qui ne justifiait pas l'adhésion à un syndicat.

Un double marché du travail

Parallèlement au marché du travail officiel se développe une face cachée : de très nombreux travailleurs aux contrats de travail précaire ne pouvaient pas s'organiser dans le cadre des syndicats d'entreprise. Il s'agit par exemple des travailleurs migrants employés dans les usines des métropoles, engagés sous contrat hors des saisons agricoles et employés comme saisonniers dans le secteur manufacturier, ou employés par des magasins des grandes villes dans lesquels ils étaient logés.

Aujourd’hui, les 3 piliers « emploi à vie », de « prime d'ancienneté » et « syndicats d'entreprise » ne sont plus les fondements du marché du travail japonais. Le travail atypique ne cesse d'augmenter. Les pratiques traditionnelles sur le marché du travail ont radicalement changé depuis la mondialisation. Sur 66 millions de travailleurs (38 millions d'hommes, 28 millions de femmes), 51 millions sont salariés, dont 3 millions dans des emplois réguliers et 17 millions dans le travail atypique, ce dernier représentant ainsi un tiers de la main-d’œuvre totale.

Il existe de nombreuses catégories de travailleurs atypiques, notamment les salariés à temps partiel, ou sous contrat, les travailleurs intérimaires et les travailleurs occasionnels. Il n'existe aucune distinction juridique entre les travailleurs réguliers et atypiques. S'il manque une seule des conditions propres à un travailleur régulier (contrat d'emploi direct, à durée indéterminée, travail à plein temps) il est classé dans les travailleurs atypiques. Les conditions de travail sont très différentes dans les deux groupes. Cet accroissement des travailleurs atypiques est tout récent; la plupart d'entre eux sont des jeunes travailleurs. Lorsqu'ils prendront de l'âge, leur situation créera des tensions sociales qui ne pourront que s'aggraver.

Source Uni Global Union, Le travail au Japon, rapport pour le 3ème congrès, Nagasaki, déc. 2010)