Temps et charge de travail

La discordance des temps

14 jan 2013

Revue Cadres CFDT n°452 ''Le temps en déséquilibre''.


Compter le travail des cadres en jours en non en heures, partager le temps de travail pour aller vers le plein emploi, organiser la durée de la vie professionnelle en tenant compte des contraintes de chaque âge de la vie adulte. Tous ces thèmes ont été portés et débattus à la CFDT Cadres dans les dernières décennies. Avec des résultats concrets. L’idée du forfait jours pour les cadres est née dans nos murs et son adoption dans le cadre des lois Aubry marque une étape importante des évolutions de la relation de ces salariés aux temps de travail et de repos. Aujourd’hui, les revendications qui touchent au temps et à l’organisation du travail sont plus difficiles à construire, parce que les réalités sont plus compliquées à cerner. Comment réussir à compter le temps de travail des cadres ? Ce qui frappe aujourd’hui plus encore qu’il y a quinze ans, c’est la difficulté à quantifier ce temps de travail. Certains cadres emportent du travail chez eux depuis longtemps, mais les technologies numériques de l’information et de la communication ont achevé de brouiller les frontières en bouleversant les manières de travailler. Il est non seulement plus facile de travailler hors du bureau, mais il est aussi plus aisé de faire autre chose au bureau. Dans le même temps, l’utilisation d’indicateurs chiffrés pour tout mesurer contribue à intensifier le travail. Tout se passe comme si les décennies de dérégulation de l’économie avaient aussi dérégulé le contrôle du temps, resté lui sur le modèle industriel hérité des Trente Glorieuses.

L’enquête menée par la CFDT Cadres auprès de plus de 3000 cadres est donc précieuse. Plutôt que de s’interroger sur la quantité de travail fournie, le questionnaire tourne autour des équilibres de vie, une entrée qui permet de mieux cerner les réalités et les difficultés. Cette enquête montre que de nombreux cadres s’accommodent de la porosité des temps. Dans certains cas, cette porosité se révèle même utile pour concilier temps professionnels et privés. Mais dans d’autres cas, certains cadres, surtout des femmes, des encadrants, les plus jeunes et les personnes qui ont des enfants, se disent insatisfaits de leurs équilibres de vie. Pour eux, le brouillage des frontières, parce qu’il peut sous-entendre une disponibilité de chaque instant, rend le travail difficile, parfois même insupportable. On touche ici au coeur du problème syndical concernant le temps de travail des cadres. Comme il n’est plus possible de le compter avec précision, ni même de revendiquer une même règle pour tous, tant les situations sont disparates, comment faire pour proposer des solutions aux cadres qui conviennent à chacun ? Le forfait jours pour les cadres a été conçu comme une contrepartie au fort investissement des cadres au travail, mais Catherine Giraudon rappelle qu’il n’a pas permis de modifier en profondeur les comportements et l’organisation du travail.

La question de l’organisation de la charge de travail n’a pas été vraiment traitée. Cette question de l’organisation du travail est au coeur de la négociation en cours sur la qualité de vie au travail et l’égalité professionnelle. Les propositions de Monique Boutrand pour mieux organiser la charge de travail des cadres, qui passeraient de l’instauration d’un temps d’échange sur le fonctionnement des équipes à une négociation collective sur l’usage des TIC vont dans le même sens. Celles de Jean- Yves Boulin rejoignent aussi pleinement celles de la CFDT dans cette négociation, pour des droits au temps tout au long de la vie, des droits portables attachés à la personne et non à l’entreprise, comme nous le revendiquons aussi pour les droits à la formation tout au long de la vie.

 

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