Gouvernance et compétitivité

De la crise au capitalisme, retour aux sources

06 déc 2011

Le désastre financier impose de renouer avec les origines de l’entreprise. Paroles de chercheurs et d’acteur syndical.


Jusqu’où peut évoluer la gouvernance ? Comment remettre la bonne distance entre le projet de l’entreprise et les investisseurs financiers (actionnaires, banquiers, etc.) ? Réunissant chercheurs et acteurs syndicaux, l’Observatoire des Cadres a débattu avec Armand Hatchuel et Olivier Favereau à partir de leurs travaux sur les formes de la propriété et responsabilités sociales de l’entreprise, avec Marcel Grignard, secrétaire général adjoint CFDT. L’idée introductive est de rappeler que l’entreprise, dans sa forme actuelle, est récente à l’échelle historique du capitalisme. La crise actuelle semble être la fin d’un cycle d’excès qui pourrait s’ouvrir sur une nouvelle ère, renouant avec les sources industrieuses et éthiques du capitalisme. Il ne s’agit donc plus seulement d’imaginer de nouvelles formes juridiques ou de consolider les utopies autogestionnaires, même si elles ont accouché d’expériences solides (les scop emploient 40 000 salariés). L’affaire est plus grave. De la défiance croissante des cadres (de plus en plus distancés par les boards) à la montée du stress (individualisation des objectifs de travail, autonomie subie) en passant par les plans sociaux alors que les profits augmentent, ces signes nombreux montrent que le capitalisme est devenu incohérent. Sur le terrain, le résultat est net : l’individualisation des missions a créé une concurrence entre les salariés. Le management a dû répondre aux injonctions des actionnaires du haut vers le bas. « L’entreprise est devenue un lieu de désocialisation » résume Marcel Grignard.

La situation économique et sociale illustre donc la crise de l’entreprise et la domination de la gouvernance à valeur actionnariale, à l’origine d’une « grande transformation » : on a cédé le contrôle des sociétés contre une augmentation à court terme de la valeur de ses titres. Ce que nous appelons « entreprise » a été déformé par la « corporate governance ». Renouons donc avec un autre modèle. Mais il n’y a pas de droit de l’entreprise à proprement parler. L’entreprise est une transformation sociale et politique, issue du rejet de l’ordre marchand traditionnel à la fin du XIXème siècle. Le travailleur était libre de louer temporairement sa compétence. En période de plein emploi, c’est le contrat à durée déterminée qui est la norme. Signe de la fragilité de cette construction et du vide légal : il y a confusion entre l’entité juridique société et l’entreprise.

Comment alors restaurer ce qui a fait la naissance de l’entreprise ? Comment libérer les énergies individuelles et la création collective ? Il faut créer les conditions de la coopération entre salariés. Le management est celui qui concilie objectifs globaux et contraintes locales. L’entreprise doit fonctionner en entités réduites à taille humaine. Il s’agit de renouer avec la notion de contrat d’entreprise : ni le droit des sociétés, ni celui du travail. Aller plus loin que la théorie des parties prenantes et de la gouvernance partenariale. Plus loin que la régulation par les normes (RSE, comptables…) qui n’ont pas évité la crise. L’enjeu est de repenser la mise en commun de la création et du partage des risques, de redonner de l’autorité au chef d’entreprise, des marges de manœuvre au management et d’imaginer un autre partage des résultats. La question de la gouvernance est en effet à la fois macro (multilatéralisme) et micro (l’entreprise comme lieu de recréation de la démocratie). Not to big too fail, but small is beautiful. Comment protéger l’idéal entreprenarial des TPE-PME dans les grandes entreprises ? La régulation du capitalisme passe par la réponse à cet enjeu.

 

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