Management et organisation

‘’Le social est l’avenir de la communication’’

05 sep 2013

Trois questions à Jean-Marie Charpentier, co-auteur avec Vincent Brulois de Refonder la communication en entreprise (*).


En quoi consiste la communication en entreprise ?

Jean-Marie Charpentier. L’entreprise a créé la fonction communication dans les années 80 pour l’essentiel dans un contexte de développement des marchés et de progression de la concurrence.  L’extension de la concurrence lui imposait de se distinguer. D’où l’importance dès le départ des dimensions d’image, de réputation et de marque à travers la publicité notamment. L’entreprise s’est attachée non seulement à promouvoir ses produits, mais également à affirmer son identité, ses métiers et son organisation. La fonction communication s’est aussi développée à l’interne pour valoriser l’entreprise auprès de salariés souvent sceptiques ou critiques à travers la presse interne, des événements ou des dispositifs de participation. Depuis les années 80, la fonction communication n’a cessé de se professionnaliser et, numérique aidant, de faire évoluer ses techniques et ses pratiques.

 

Pourquoi appelez-vous à refonder la communication en entreprise ?

J.-M. C. Cette professionnalisation, souvent d’ailleurs de bon niveau, demeure principalement au service de l’image et de la réputation, aussi bien à l’externe qu’en interne. L’approche marketing reste dominante aux dépens de la dimension sociale de la communication. Or, notre conviction profonde est que la communication est d’abord une question sociale. C’est la question du lien avec l’autre qui est fondamentale, bien avant l’image contrôlée de soi-même. La communication en entreprise a été construite en miroir. Mais, dans un monde en mouvement,  les enjeux de communication sont plus du côté du dialogue, du débat, de la confrontation avec les différents acteurs de la société comme avec les salariés eux-mêmes. Il ne suffit plus de porter une belle image ou un discours lisse dont la crédibilité est pour le moins réduite. Ce que représente l’entreprise dans la société ou ce qu’il en est du travail au quotidien appellent une nouvelle approche de la communication et du rôle des communicants. La reconnaissance de la dimension sociale amène à s’extraire d’une conception fondée sur le monologue et la simple transmission de messages et d’images au profit d’une vraie conversation entre les acteurs. D’une certaine façon, le social est l’avenir de la communication. Si des praticiens de la communication au sein de l’Association française de communication interne (Afci) s’intéressent par exemple aujourd’hui aux sciences sociales, c’est qu’ils se sentent sans doute à l’étroit dans les conceptions héritées de la publicité et des relations publiques. Ils mesurent dans les changements d’organisation, dans les conduites de projet, mais aussi face aux dysfonctionnements et malaises dans le travail, combien l’apport des sciences sociales (sociologie, psycho-sociologie, histoire…) peut nourrir la communication en aidant à dénouer les complexités de l’entreprise et surtout en permettant de mieux comprendre l’autre.

 

En quoi la communication est-elle stratégique pour le management ?

J.-M. C. La communication est devenue dans les faits une fonction partagée. Elle n’est pas réservée aux seuls communicants. Dans un univers de services, avec la démultiplication des acteurs dans les projets ou activités, le travail est devenu lui-même beaucoup plus communicant,  sans même parler de l’invasion du numérique.  On ne peut plus travailler sans communiquer. Le management, dont la responsabilité est la mise en relation et en perspectives est concerné par cette nouvelle donne. Tout comme les acteurs du dialogue social que sont les syndicats. Dans le travail, l’important aujourd’hui est d’organiser les échanges de points de vue, voire la ''dispute'' au quotidien sur l’activité. Il y a là des enjeux majeurs de santé au travail, mais aussi d’innovation et de compétitivité. Les communicants comme les managers ne peuvent se contenter d’informer et de promouvoir. Ils ont déjà et auront de plus en plus un rôle de passeur de sens, de médiateur, de régulateur des échanges.

Jean-Marie Charpentier est docteur en sciences de la communication. Responsable de l’Observation sociale d’une entreprise publique, il est aussi vice-président de l’Association française de communication interne.

 

(*) J.M. Charpentier, V. Brulois, Refonder la communication en entreprise. De l’image au social, Fyp Editions, 2013