Stress et conditions de travail

Stress : occupons-nous des managers

23 fév 2010

Le rapport Lachmann "Bien-être et efficacité au travail" pointe trois propositions qui mettent les managers sur le devant de la scène.


Ce rapport a été fait à la demande du Premier ministre par 3 personnalités très différentes : une DRH d’une multinationale de l’alimentation (Muriel Penicaud, Danone), un Président d’un groupe industriel (Henri Lachmann, Schneider Electric) et un syndicaliste, vice-président du Cese (Christian Larose, CGT). Les auteurs font « 10 propositions pour améliorer la santé psychologique au travail ».  La CFDT Cadres pointe aujourd’hui 3 d’entre elles qui concernent plus particulièrement le management, à tous les étages de l’organisation : L’implication de la direction générale … est indispensable (proposition 1); Les managers de proximité sont les premiers acteurs de la santé (proposition 2); Former les managers au rôle de manager (proposition 6).

 

La direction générale : une rémunération variable liée à la performance sociale

Les auteurs proposent de compléter les critères d’attribution  de la rémunération variable, classiquement basé sur la performance économique, par des critères relatifs à la performance sociale (indicateurs de santé, de sécurité et de conditions de travail, turn over, accidents du travail, satisfaction des salariés, promotion interne …).

Cette proposition rejoint tout à fait les revendications de la CFDT Cadres précisées en janvier 2010 dans notre argumentaire « Agir sur la gouvernance ». La CFDT exige notamment :

  • La présence d’un représentant des salariés au sein du comité des rémunérations, et d’une personnalité extérieure à l’entreprise
  • La mise à l’ordre du jour des comités d’établissement de la question du salaire des dirigeants
  • La future négociation sociale sur le partage des profits doit  concrétiser ces propositions.

 Les  managers de proximité : créer les conditions de l’exercice de la responsabilité

« La santé des salariés … ne s’externalise pas » : la formule fait mouche, surtout en direction de tous les « marchands de soupe psychosociale » trop souvent auto proclamés « experts en gestion du stress ». Mais réinvestir la proximité du management ne peut se suffire des deux propositions avancées (atténuer les excès de l’organisation matricielle ; réaffirmer les compétences de décision).
Si les méfaits de l’organisation matricielle ont déjà été pointés, notamment par la CFDT Renault, c’est aussi en raison d’une double ou triple pression des délais et d’un isolement excessif des acteurs. La transformation de l’organisation passe par un travail de terrain pour lequel l’acteur syndical de proximité est légitime. C’est le sens de l’action CFDT dans les négociations actuelles sur le stress : ne pas se précipiter sur des propositions « clés en main » mais commencer par une phase de diagnostic du terrain (de la méthode avant des solutions).

Quant au renforcement des compétences de décision visant à ne pas cantonner le manager de proximité dans un pur rôle d’exécutant, il ne passe pas seulement par la présence de marges d’adaptation (sous entendu, des décisions prises par le top management).  La CFDT Cadres a depuis plusieurs années précisé les droits à négocier qui créeront les conditions réelles d’exercice de la responsabilité, donc de la décision : droit de proposition, droit d’initiative, droit d’alerte professionnelle, droit d’opposition.

La proposition n°3 « restaurer des espaces de discussion … dans le travail » concerne tout autant les managers de proximité en tant que collectif portant une identité professionnelle.  Et les « possibilités de recours au supérieur hiérarchique » ne peuvent se limiter à la gestion des « relations interpersonnelles difficiles » : ce serait nier les possibles désaccords de fond et de moyens !

 

Préparer et former les managers : pour une formation expérientielle !

Si les auteurs pointent le « manque d’expérience de la vie sociale » des jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail ce n’est pas parce que l’on aura inclus « obligatoirement un module de formation à la responsabilité sociale et au management d’équipes » que l’on changera les choses si l’on se réfère à ce qu’un autre rapport avait déjà proposé (un module de 18 heures, validé par QCM sur internet – rapport DAB 2008).

Concernant la formation initiale, c’est bien par un va-et-vient entre l’observation de la vie sociale réelle et l’analyse partagée avec des praticiens que l’on peut faire prendre conscience de la complexité du monde du travail et de la multiplicité des situations professionnelles à risques et/ou source de dilemmes. Il s’agit de donner une nouvelle ambition au « stage ouvrier » pour en faire une période d’immersion observante produisant un rapport d’étonnement et de questionnement.  Cette ambition ne peut se limiter  aux seules écoles de commerce et d’ingénieurs comme l’écrivent les auteurs.

Les deux propositions relatives à la formation en entreprise vont dans le bons sens : investir dans la formation  – à la prévention des risques : il ne s’agit de former à des recettes toute faite - et dans l’accompagnement – en mixant l’échange entre pairs et la pratique du coaching.

Ce court rapport facile à lire, mérite donc qu’on s’y attarde et qu’on le prolonge par de la controverse et de l’approfondissement. Les 7 autres propositions mériteraient également un commentaire !  tout comme l’éclairage initial donné sur 11 « familles » de facteurs de stress qui décrit de façon ramassée les contraintes qui enserrent le travail, au risque de rendre le « travail intenable ».