Jeunes et stagiaires

L’intégration des jeunes dans l’emploi implique un regard neuf sur le travail et le management

20 oct 2010

Le débat de l’insertion de la fameuse génération Y se déplace sur le terrain de l’entreprise et du management.


La génération Y, qui désigne les personnes nées entre la fin des années 1970 et le milieu des années 1990, est qualifiée d’individualiste et superficielle, égoïste et zappeuse, à l’image des usages sur les réseaux sociaux et de l’hyper connexion.

Le constat social bat en brèche la caricature. L’enquête menée par l’Apec et la CFDT Cadres souligne la profonde discordance entre les attentes des jeunes et l’image affichée par les entreprises et les pratiques de celles-ci, avant tout en matière d’exemplarité des dirigeants, d’équité, et à un moindre degré de professionnalisme et de respect de la vie privée . Elle confirme une étude de l’IAE de Lyon, qui met en avant un fort besoin de sens, d’autonomie et de qualité de vie exprimé par les nouvelles générations. Elles sont à la fois des consommateurs zappeurs mais resituent l’argent comme une priorité secondaire .

 

Une génération précarisée par la distance à l’emploi

Plus de trois millions de 18-29 ans en France sont aujourd’hui éloignés de l’emploi dit « de qualité ». Même l’efficacité du diplôme, pourtant primordiale dans l’accès au travail, est remise en cause. Depuis la crise de 2007-2008, un diplômé sur cinq est dans une forme de sous-emploi. On parle aujourd’hui de fracture générationnelle.

Quelles en sont les causes profondes au-delà de la crise ? Le modèle français invite les jeunes à « se placer » plutôt qu'à s'assumer ou se trouver, par opposition aux cultures nordiques ou anglo-saxonnes plus pragmatiques. En tout cas une forme d'intégration sociale corporatiste, que décrivent les travaux de la sociologue Cécile Van de Velde. Entre un temps d’études compact et l’intégration dans l’entreprise, un long tunnel fait de précarité et d’arrangements avec diverses formes d’emplois. « La France en est au Moyen Age en terme d’intégration des jeunes » plaide Stéphane Roussel, DRH de Vivendi, qui l’explique par le fossé qui sépare les codes de l’entreprise des normes apprises par les étudiants. Combien d’écoles apprennent aujourd’hui à devenir offreur de compétences, acteur d’un parcours, sur le marché du travail ? Combien d’entreprises mesurent leur responsabilité à favoriser leur mobilité et montée en compétence ?

Une attitude paradoxale des entreprises

La distance avec le monde du travail s’entretient par les modes d’intégration traditionnels dans l’entreprise dont les pratiques RH sont plus favorables à l’assimilation, voire au formatage, qu’à la recherche d’un management intergénérationnel. L’entreprise semble conforter l’individualisme plutôt que de répondre aux attentes réelles des nouvelles générations.
C’est l’un des paradoxes de la rencontre entre jeunes et entreprises : une intégration qui bride la créativité d’autant plus que la génération est souple et s’adapte au moule imposé et à aux outils RH modernes. Eloignant les possibilités d’un management spécifique générationnel, sans doute par réflexe protectionnisme, l’entreprise ferme les yeux à ce qui pourrait être un véritable « rapport d’étonnement » que les jeunes dressent à l’égard du travail.

Les entreprises sont-elles prêtes à répondre aux exigences des jeunes ? C’est difficile d’y croire du seul fait des tensions sur le marché du travail, créant un rapport de force favorable aux entreprises. Ce qui favorise en retour le comportement de salariés zappeurs, comme on le reproche facilement aux jeunes. « Exigeants, fidèles au poste plus qu’à l’entreprise, les jeunes attendent avant tout de la réciprocité » explique A. Mergier. Récusant l’ordre établi, puisque l’emploi stable est difficilement accessible et qu’ils sont parfois poussés à l’auto entreprenariat, les jeunes posent sans doute les nouveaux termes du contrat de travail.